Saison 2 à Paris - La Vie Enchevêtrée

Il n’y a de compréhension possible du vivant qu’à le concevoir comme enchevêtrement, entrelacement, emmêlement. A la notion d’enchevêtrement et d’entrelacement s’oppose celle de séparation. Nouer avec le vivant c’est entrelacer ce qui a été délacé, délaissé, c’est plaider que l’enchevêtrement est l’architecture du vivant dans toute son étendue et diversité, c’est accepter l’emmêlement avec les non-humains et tous les éléments de nature. Le vivant est une continuité enchevêtrée et entrelacée.

 Nous empruntons le titre de cette seconde saison à l’ouvrage de Merlin Sheldrake The Entangled Life - La Vie Enchevêtrée - qui évoque l’immense pouvoir du mycélium qui est inséré tout autour de nous et joue un rôle décisif dans le concert du vivant en liant notamment la totalité du monde végétal et une grande partie du monde animal.

Nous formulons une hypothèse. Celle-ci consiste notamment à voir dans l’usage des techniques de tissage, de broderie dans l’art une parfaite métaphore d’un art de l’entrelacement et de l’enchevêtrement. Nous avons donc souhaité inviter des artistes qui tissent, tressent, lient les matières, qui célèbrent la relation comme ce qui se noue dans une trame infinie.

Tout particulièrement, la fibre sera l’une des trames narratives de cette seconde saison. Si au sens étymologique la fibre est ce qui est à l’extrémité, au sens de l’usage, la fibre est ce qui est au cœur de la matière quand on la décompose, la dénoue. La fibre est liant qu’elle soit d’origine végétale, animale ou minérale, ou encore plus proche de nos univers contemporains, la fibre artificielle est liant de toute communication actuelle.

Pour cette seconde saison de résidences, la Fondation LAccolade accueille six artistes, Luz Moreno Pinart, Elodie Antoine, et le collectif FIBRA (Lucia Monge, Gianine Tabja, Gabriela Flores del Pozo).

Luz Moreno Pinart

1er février - 31 mars 2022 avec la participation de Charlotte Gautier Van Tour.

Luz Moreno Pinart s'intéresse à travers ses recherches aux relations entre les êtres vivants, la nature, le mouvement, le temps, l'archéologie, l'architecture et l'écosystème qui remplit l'espace. À travers la pratique du dessin, de la sculpture, de l'installation, de la cuisine et de la performance, elle cherche un moyen de rendre vivantes les interconnexions entre tous les organismes. Elle tisse des histoires de vie comme un tisserand.

Pour sa résidence, Luz Moreno Pinart développera un projet de recherche autour de la fibre comestible et alimentaire, telle l’ortie ou le lin, en tenant compte de l’entièreté de la plante et ses déclinaisons dans tous les domaines pour ainsi créer une installation totale.

Luz Moreno Pinart, vue intérieure d'une sculpture en fibres naturelles réalisée
pour la résidence Les Vestiges du Futur au Centre Tignous, 2021.

Elodie Antoine

13 mai - 30 juin 2022

Elodie Antoine explore les potentiels de matériaux textiles tels que le fil, le tissu, la laine et le feutre, en leur permettant de proliférer, s’étendre, contaminer l’espace. Elle travaille à partir de principes de contradiction et d’ambivalence. Par exemple, elle s’approprie des techniques artisanales et domestiques ou des matériaux traditionnellement associés à la féminité pour les confronter à la masculinité comme dans sa série de paysages industriels réalisés en dentelle.

Pour sa résidence, Elodie Antoine viendra sans a priori investir les lieux pour y créer à partir de presque rien, selon ses propres mots, c’est-à-dire dans une économie de moyens et de fins, à l’écoute de l’architecture, de l’environnement. Elle déploiera son art en se plaçant sous le signe de la contamination par l’entrelacement et l’enchevêtrement des matières et des symboliques. Plus particulièrement, elle se propose de prolonger ses créations en lien avec le cheveu, auquel nous vouons un rapport ambivalent et paradoxal, symbole de puissance quand il est en vie, objet de notre répulsion quand il est mort. Le cheveu pourra être tressé, brodé, il pourra être d’origine animale ou végétale, et devenir la métaphore de la flèche du temps vécue aussi bien dans l’intime, le social ou le temps long.

Elodie Antoine, Thorax, 2015, courtesy galerie Aeroplastics.

FIBRA

1er septembre - 20 novembre 2022

FIBRA est un collectif artistique fondé en 2019 par les artistes femmes péruviennes : Gianine Tabja, Lucia Monge et Gabriela Flores del Pozo. Elles pensent la production de connaissances comme un processus collaboratif et interdisciplinaire qui mêle méthodologies de recherche, connaissances scientifiques, savoirs traditionnels et pratiques artistiques. Leur approche coopérative et écologique les amène à explorer et utiliser des matériaux durables impliquant parfois la co-création avec d’autres espèces. Elles tressent leurs pratiques et se renforcent ainsi elles-mêmes. A travers chacune de leurs fibres, elles se connectent et échangent dans et avec leur environnement.

La résidence de FIBRA a été placée sous le signe de la fibre comme connexion au vivant.

FIBRA, Desbosque : desenterrando señales, 2021,
photo Juan Pablo Murrugarra / MAC Lima.