Luz Moreno Pinart

Résidence de recherche et de création du 1er février au 31 mars 2022  avec la participation de Charlotte Gautier Van Tour

Plus d’informations
http://luzmorenopinart.com
https://www.instagram.com/luzluzmoreno/

La démarche

Luz Moreno Pinart s'intéresse à travers ses recherches, à nos relations envers l’architecture et la nature, aux relations entre les êtres vivants, la nature, le mouvement, le temps, l'archéologie, l'architecture et l'écosystème qui remplit l'espace. À travers la pratique du dessin, de la sculpture, de l'installation, de la cuisine et de la performance, elle cherche un moyen de rendre vivantes les interconnexions entre tous les organismes. Elle tisse des histoires de vie comme une tisserande.

Texere Urtica, installation en fils d’ortie et de cuivre, détail, 2022.

“Texere Urtica”

«J’aime l’araignée et j’aime l’ortie.»
Victor Hugo

La seconde saison de résidences de recherche et de création de la Fondation LAccolade se déroule de janvier à octobre 2022 avec comme titre « La Vie Enchevêtrée". Première artiste invitée de cette Saison 2, Luz Moreno Pinart a déployé des recherches et créations liées à l’ortie. Elle décline la plante et ses fibres dans toutes leurs dimensions, dont celles textiles et alimentaires, jusqu’à créer une installation totale et sensible faisant appel à tous nos sens. Ce faisant, elle réhabilite une plante mal aimée, négligée, jusqu’à en faire un sujet de désir… Elle tisse, trame, tresse un récit qui nous lie au monde végétal, ses vertus, ses propriétés infinies en prenant comme point de départ celle que nous n’aimons pas. Au sortir de cette résidence, le tour de force de l’artiste est de nous lier à l’ortie comme nous ne l’avons jamais été. L’ortie devient sujet agissant et non plus l’objet passif de notre mépris, dégoût, ou phobie. A ce propos, j’aime considérer les phobies à l’égard du vivant comme autant de symptômes et d’expressions de notre séparation avec celui-ci. C’est dans cette perspective, que Luz Moreno Pinart en tissant l’ortie nous réconcilie avec une part de nous-mêmes qui n’est rien d’autre que la communauté indivisible du vivant.

Il existe une langue maya encore parlée dans le sud-est mexicain qui s’appelle le tojolabale. Elle a une particularité unique, sa syntaxe ne connaît pas le complément d’objet, tout est sujet agissant. On ne peut pas dire en tojobale, je mange une ortie, mais on peut dire l’ortie nourrit, on ne peut pas dire, je file un vêtement en ortie, mais on peut dire l’ortie protège. La syntaxe de la langue tojobale témoigne d’une relation où l’enjeu n’est pas d’assujettir mais de se lier. C’est à se lier à l’ortie que nous invite Luz Moreno Pinart, s’y lier par l’odeur, s’y lier par le goût, s’y lier par le toucher, s’y lier jusqu’à la désirer.

L’œuvre totale de Luz Moreno Pinart se décline en une création olfactive, des créations alimentaires, des sculptures filaires, des photographies, dessins et collages inspirées d’une observation fine de la plante par le microscope. Ses sculptures filaires, qui traversent l’espace jusqu’à l’occuper sans se soucier des lois de la gravité, sont la parfaite métaphore de la nature rhizomatique de l’ortie.

Enfin, la résidence prolonge l’histoire récente du collectif des Matribiotes créé par Charlotte Gautier Van Tour et Luz Moreno Pinart la saison dernière avec un film-manifeste et de nouvelles créations en céramique qui accueillent l’ortie dans des déclinaisons variées dont culinaires et gustatives.

Comme l’écrivent Bruno Latour et Nikolaj Schultz, dans un court opuscule intitulé Mémo sur la nouvelle classe écologique, à propos des vivants : «On veut se lier à eux, s’insérer dans leurs tours et détours, apprendre d’eux de quoi le monde est tissé.» Apprendre de l’ortie de quoi le monde est tissé, apprendre de l’ortie l’enchevêtrement du vivant, voilà l’intense projet auquel nous convie l’artiste.

Christopher Yggdre

Texere Urtica - Restitution de résidence

Crédits photographies - Martin Argyroglo