Saison 1 à Paris - Rien n’est vrai tout est vivant
Le titre de la saison reprend le détournement d’un célèbre aphorisme par Edouard Glissant, «Rien n’est vrai, tout est vivant.». Avec cette affirmation, il oppose la dynamique du Vrai en tant qu’absolu au Vivant en tant qu’expression qui ne connait pas de discontinuité. Il précise sa pensée lors d’un entretien en soulignant que « le niveau le plus élémentaire de cette affirmation est qu’il faut passer de l’idéologie à la pulsation, passer de l’idée systématique à l’intuition. La pulsation et l’intuition, c’est le vivant. L’idéologie, c’est le vrai, non pas au sens d’une vérité particulière mais de ce Vrai absolu (et sectaire) qui a été très souvent à l’origine de la recherche de la connaissance (et de la puissance), particulièrement en Occident. Dans «Rien n’est vrai, tout est vivant», le vivant signifie l’inattendu, l’imprévu, souvent le non-rationnel, mais aussi l’ultrarationnel, sans fixité aucune... ».
Pour se saisir de la question du vivant, il faut sans aucun doute faire preuve d’une disposition particulière, d’une sensibilité renouvelée, ne serait-ce que pour comprendre son étendue, ses ramifications infinies, sa fragilité. L’expérience infiniment concrète du changement climatique, ou encore de la disparition de pans entiers du vivant nous intime au déplacement, à opérer un pas de côté, à nous décentrer.
Pour cette première saison de résidences, la Fondation LAccolade accueille trois artistes, Charlotte Gautier Van Tour, Caroline Le Méhauté, Chloé Jeanne, trois artistes qui chacune dans l’élaboration même des oeuvres, dans l’acte de création, mobilisent le vivant et entretiennent avec lui une relation qui peut s’apparenter à un dialogue. Il ne s’agit pas tant de créer à partir d’une matière vivante mais de considérer le vivant comme la matière même de l’art.
La biologie classe les modes d’interaction entre vivants selon quatre grands principes : le parasitisme, la prédation, le commensalisme et la symbiose. Si les deux premiers nous sont familiers, les deux suivants le sont moins, et pourtant, nous gagnerions en tant que vivants parmi les vivants à explorer et à comprendre le commensalisme qui est une interaction bénéfique à ses acteurs, et voir dans la symbiose un art de la relation dans lequel il n’y rien à craindre de la métamorphose. Le vivant est une continuité métamorphique et nous savons depuis les recherches de la microbiologiste Lynn Margulis en lien avec l’hypothèse Gaïa que l’habitabilité de la Terre n’aurait pas été possible sans l’action symbiotique des peuples innumérables de micro-organismes.
Si par le passé des artistes ont pu utiliser le vivant tels que les bactéries et les champignons dans l’élaboration de leurs oeuvres, il y a maintenant une cinquantaine d’années, leurs approches étaient essentiellement liées au périssable et à la décomposition. La relation au vivant aujourd’hui dans l’art semble plus s’orienter vers la métamorphose, la symbiose, la réparation et le soin.