Nadia Merad Coliac

Résidence de recherche et de création du 20 mars au 24 mai 2024 

La démarche

Nadia Merad Coliac est une artiste chercheuse. Elle oeuvre depuis de nombreuses années autour de la bioluminescence. Ses recherches et créations prennent de multiples aspects, installations, recherches à la croisée de la biologie, des neurosciences, la physique, la psychologie, la philosophie. Elle a écrit une thèse dédiée à la bioluminescence en 2018 intitulée Lumière Vivante, théorie et pratique de la bioluminescence d’après Raphaël Dubois.

Le Photon et le Souffle

Nadia Merad Coliac est la première artiste invitée de cette  Saison 3 des résidences intitulée Lumières Vivantes, Esthétique de la Bioluminescence. Pour sa résidence, Le premier geste de Nadia Merad Coliac a été de trouver un lieu où prendre soin et cultiver deux photobactéries distinctes toutes deux issues de la vie océanique. Œuvrer avec le vivant dans l’art suppose une relation étroite de coopération et de partenariat. Dépositaire, par l’intercession de chercheurs, de ces deux bactéries, l’artiste a investi le laboratoire de biologie du FabLab Sorbonne Université pour les cultiver, les nourrir, les observer, dans leurs spécificités et différences. Le lexique de l’artiste pour définir sa relation à Antares 2200 et Rattail-1 - les noms de laboratoire de ces microorganismes - est celui du soin et l’attention. Les différences sont subtiles mais néanmoins bien réelles entre les deux, que ce soient l’intensité et la durée des émissions lumineuses, ou leurs con-ditions idéales de croissance.

Nadia Merad Coliac est l’auteur d’une thèse, publiée aux éditions de l’Harmattan, intitulée Lumière vivante, théorie et pratique de la bioluminescence, d’après Raphaël Dubois, dans laquelle elle déroule le récit intime de sa rencontre avec la bioluminescence, ses créations avec les être de lumière comme elle les nomment. Elle s’attache à faire remonter à la surface de notre mémoire la fascinante figure du scientifique et humaniste Raphaël Dubois, le premier à avoir dévoilé le mécanisme chimique de la bioluminescence ou «biophotogenèse». Il nous apparait en pionnier de sciences de la vie qui s’affranchissent des dualismes stériles entre inerte et animé, esprit et matière, et s’éloigne du récit néo-darwinien qui réduit la vie au seul principe de la compétition entre lignées spécifiques. Raphaël Dubois est l’un des précurseurs d’une conception du vivant où son apparition, dans toute sa diversité, est liée à des jeux de relations et des enchevêtrements qui fertilisent et fécondent. La luminescence, terme forgé au 19ème siècle par le physicien Eilhard Wiedemann, se différencie de l’incandescence, lumière froide et lumière chaude, lumière propre à l’objet qui la produit et lumière d’origine thermique. L’apport décisif de Raphaël Dubois est de prouver que certains vivants produisent de la luminescence là où on imaginait de simples mécanismes chimiques, et plus encore, que cette luminescence est liée à des organismes symbiotiques.

La démarche de Nadia Merad Coliac est à la croisée du design, de l’art et des sciences. Sa rencontre avec la bioluminescence lui permet de les associer dans un geste alchimique, une œuvre au bleu en l’occurrence. Les œuvres de Nadia Merad Coliac liées  à la lumière vivante sont des invitations à une expérience sensible et émotionnelle. Son esthétique est une esthétique de l’émotion par la rencontre avec ces êtres de lumière que sont Antares 2200 ou Rattail-1.

Pour sa résidence, placée sous le signe du mouvement, dans un subtil hommage à Loïe Fuller, la bien nommée «fée lumière», elle a créé  des sculptures en verre borisilicaté – Souffles de Lumière, Partition de Lumière, Serpentine – forgées par son propre souffle, son Pneuma, formée en cela par Guillaume Thoraval, verrier au chalumeau. Chacune de ces sculptures est un lieu d’accueil où les photobactéries sont invitées à se déployer, se développer, et éclairer sous jour un, nouveau l’histoire du vivant. L’artiste les ensemence attend l’apparition du premier photon qui est la manifestation de vie.

Chacune des sculptures a une forme organique, on y décèle des spirales, des enroulements. A les découvrir dans l’obscurité, nous sommes saisis. C’est à un geste initiatique que les photobactéries nous convient, elles nous appellent à nous remémorer les anciennes cosmogonies qui font de la lumière le principe de vie. L’expression «Fiat Lux» prend alors un sens tout particulier.

Christopher Yggdre

La Lumière et le Mouvant - Restitution de résidence

Crédits photographies - Martin Argyroglo